Le registre des accidents bénins
Il existe toutefois une « exception » à ce principe : le registre des accidents bénins (également appelé registre d’infirmerie). Certaines entreprises peuvent en effet être autorisées à ne pas déclarer à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) les accidents dits « bénins » – c’est-à-dire n’entraînant ni arrêt de travail, ni soins médicaux pris en charge par la sécurité sociale – à condition de les consigner dans ce registre. L’autorisation de tenir un tel registre est subordonnée au respect des conditions cumulatives prévues à l’article D.441-1 du CSS :
1 La présence permanente d’un médecin, ou d’un pharmacien, ou d’un infirmier diplômé d’État, ou d’une personne chargée d’une mission d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise, détentrice d’un diplôme national de secouriste complété par le diplôme de sauveteur secouriste du travail délivré par l’Institut National de Recherche de Sécurité (INRS) ou les CARSAT.
2 L’existence d’un poste de secours d’urgence (local ou emplacement disposant des matériels et produits pharmaceutiques nécessaires pour donner les premiers soins).
3 Le respect par l’employeur des obligations mises à sa charge en matière de mise en place d’un comité social et économique.
Conformément à l’article D.441-2 du CSS, l’employeur qui détient un tel registre doit en informer sans délai et par tout moyen conférant date certaine à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT). Le registre, propriété de l’employeur, peut être tenu sous format papier ou dématérialisé. Il doit être conservé pour chaque année civile durant cinq ans à compter de la fin de l’exercice.
Dès qu’un accident « bénin » survient au temps et au lieu de travail, l’employeur ou son représentant doit l’inscrire sur le registre dans un délai de 48 heures ouvrables. L’inscription doit mentionner : le nom de la victime, la date, le lieu et les circonstances de l’accident, ainsi que la nature et le siège des lésions. Le soignant doit apposer son visa et la victime sa signature (article D.441-3 du CSS).
Si par la suite, l’accident entraîne un arrêt de travail ou des soins médicaux, l’employeur doit procéder à une déclaration classique d’accident du travail auprès de la CPAM. L’inscription préalable au registre permet au salarié de bénéficier de la présomption d’imputabilité, même si les conséquences médicales de l’accident apparaissent dans un certain délai.
Conformément aux dispositions de l’article D.441-4 du CSS, le registre des accidents bénins doit être tenu à la disposition :
De la victime ou de ses ayants droits ;
Des agents de contrôle de la CPAM ou de la CARSAT ;
Des ingénieurs-conseils et contrôleurs de sécurité dûment habilités auprès des CARSAT ;
De l’inspection du travail ;
Du CSE
Le médecin du travail peut également y avoir accès (article D.441-3 du CSS). En cas de manquement aux règles de tenue ou d’utilisation, l’employeur s’expose à des sanctions pénales ou administratives et à la perte de l’autorisation de tenir un tel registre.
Focus Justice et travail : Le nouveau ballon d’essai pour protéger les salariés
Depuis le début de l’année 2025, plus de 150 personnes ont perdu la vie à la suite d’un accident de travail, selon le décompte quotidien réalisé par Matthieu Lépine, à partir d’articles de presse.
Pour Force Ouvrière, il est temps de rompre avec l’idée que mourir au travail serait une fatalité et de cesser de reléguer ces drames au rang de simples faits divers.
Alors que le Premier ministre François Bayrou affirme vouloir réconcilier les Français avec le travail et promouvoir « le bonheur au travail », les chiffres rappellent une réalité plus sombre : les morts au travail sont en hausse.
Dans ce contexte, Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail et de l’Emploi, et Gérald Darmanin, ministre de la Justice, ont signé une instruction conjointe visant à renforcer la politique pénale du travail en matière de répression des manquements aux obligations de santé et de sécurité.
Cette instruction s’inscrit dans le cadre du « volet mobilité » du Plan Accidents du Travail Graves et Mortels.
Ce qui change concrètement :
Verbalisation systématique par les inspecteurs du travail en cas de risque grave, même sans accident.
Transactions pénales renforcées : amende + plan de mise en conformité.
En cas d’ATGM, poursuites possibles de toute la chaîne d’acteurs impliqués (employeurs, donneurs d’ordre et/ou maîtres d’ouvrage).
Cosaisine concomitante des enquêtes : Inspection du travail+ agents de police judiciaire = plus d’efficacité.
Accompagnement renforcé des victimes : information sur les démarches, orientation vers les dispositifs d’aide, accès à la justice.
Le gouvernement parie sur une application plus rigoureuse des outils existants pour faire reculer durablement les ATGM.
Mais pour Force Ouvrière, l’enjeu est clair : l’efficacité de cette instruction dépendra des moyens mis en œuvre. Force Ouvrière attend de pied ferme un véritable plan de recrutement d’inspecteurs du travail, assorti d’une enveloppe budgétaire conséquente, afin que cette démarche ne reste pas symbolique uniquement.
Article L’inFo Militante par Eric Gautron publié dimanche 5 octobre 2025