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Télétravail et inégalités de genre : un équilibre encore à construire

publié le 2 septembre 2025

Cinq ans après la généralisation du télétravail, la promesse d’un nouvel équilibre entre vies professionnelle et privée se heurte à une réalité plus nuancée.

Si le travail hybride bouleverse les frontières entre sphères personnelle et professionnelle, il ne gomme pas pour autant les inégalités de genre dans la répartition des tâches domestiques.

Le rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (« Pour une mise en oeuvre du télétravail soucieuse de l’égalité entre les femmes et les hommes ») souligne que les femmes continuent de subir de nombreuses inégalités, notamment en matière de répartition des tâches domestiques et de charge mentale. Pire, le télétravail pourrait amplifier ce déséquilibre, en raison notamment des difficultés de garde d’enfants et de l’inadéquation des espaces de travail à domicile.


Pourtant, une donnée nouvelle émerge : ce mode de travail hybride offrirait aussi la possibilité d’échapper à certaines tâches domestiques. Une étude menée début 2022 auprès de 211 télétravailleurs à domicile révèle que, dans cet échantillon, les hommes prennent davantage part aux tâches domestiques et familiales lorsqu’ils travaillent à domicile. Cette évolution, si elle se confirme, pourrait favoriser une meilleure conciliation des temps de vie et, à terme, alléger la charge domestique pesant sur les femmes.

Ravages de l’hyperconnectivité

La réalité demeure cependant ambivalente. Si les hommes sont plus présents et s’impliquent davantage, la charge domestique des femmes reste stable, voire s’alourdit, notamment pour les mères de jeunes enfants. L’hybridation des espaces ne redistribue donc pas radicalement les cartes : la « double journée » féminine perdure, alimentée par l’injonction contradictoire à tout concilier.

Parallèlement, l’hyperconnectivité, encouragée par la digitalisation du travail, devient parfois un moyen d’éviter des tâches domestiques. Notifications, réunions, emails hors horaires... La frontière entre disponibilité professionnelle et vie privée s’efface.

Certains salariés, hommes en tête, exploitent cette perméabilité pour s’investir dans leur travail et s’abstraire des corvées du foyer. Mais cette stratégie d’évitement génère un stress supplémentaire et accentue la fatigue mentale, fragilisant l’équilibre recherché.

Question ouverte

Si le télétravail semble amorcer une évolution dans la répartition des tâches au sein des couples, il ne remet pas en cause la division sexuelle du travail domestique. Les femmes restent plus exposées à la charge mentale et aux conflits de rôle, tandis que l’hyperconnexion, loin de libérer du temps, tend à renforcer la pression sur tous les fronts.

L’hybridation des espaces et l’hyperconnectivité offrent-elles une réelle opportunité de rééquilibrage des tâches domestiques, ou ne font-elles que masquer une nouvelle forme d’inégalité où l’évitement numérique remplace la présence physique ?

La question reste ouverte. Une certitude s’impose néanmoins : la révolution du travail ne sera égalitaire que si elle s’accompagne d’une redéfinition profonde des rôles domestiques et d’un véritable droit à la déconnexion.

Les Echos publié ce 02/09/2025, par Olivier Meier , professeur à l’université Paris-Est et directeur de l’Observatoire Asap (Action sociétale et action publique / Chaire « Innovation Publique » en collaboration avec l’Ecole Polytechnique et Sciences Po), et Caroline Diard, professeure associée à TBS Education département Management des ressources humaines et droit des affaires.