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Départ à la retraite anticipé : ce dispositif pénalise ceux qui en ont le plus besoin

publié le 28 août 2025

La Cour des comptes étrille le dispositif carrière longue. Conçu en 2003 pour permettre aux Français ayant commencé à travailler tôt de partir deux ans avant l’âge légal, le fameux départ anticipé à la retraite pour les carrières longues peinent à convaincre les Sages. Dans leur rapport publié en avril dernier, ils jugent que l’outil est mal calibré et peine à remplir sa mission. A l’origine, il devait rééquilibrer le système en faveur des ouvriers, apprentis et salariés sans diplôme. L’idée était d’offrir un départ à la retraite à taux plein plus tôt pour ceux qui avaient fait un métier pénible.

Logiquement, ces travailleurs peu qualifiés – donc souvent moins bien rémunérés – devraient être les premiers à profiter du dispositif. Et pourtant… « Pour pratiquement toutes les générations depuis 1906, l’âge moyen de départ à la retraite des retraités dont la pension est la plus faible est plus élevé que celui des retraités dont la pension est la plus élevée ! », constate Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes. Autrement dit, les travailleurs les plus pauvres sont aussi ceux qui partent à la retraite le plus tard. Pire, ils sont largement sous-représentés parmi les bénéficiaires du dispositif carrière longue. « Les retraités dont les pensions se situent entre le 1er et le 4e décile n’ont représenté que 13% des départs pour carrière longue », notent les magistrats de la rue Cambon. A l’inverse, ce sont les assurés du 5e au 8e décile – aux revenus moyens voire confortables – qui en profitent le plus.

Comment expliquer ce paradoxe ? Interrogée par Capital, Carine Camby, présidente de la première chambre de la Cour des comptes, évoque la fragilité des parcours professionnels : « Très souvent, les personnes aux revenus les plus modestes sont celles qui ont des carrières plus hachées », explique-t-elle. Ces périodes de chômage ou de maladie, par exemple, « les empêchent alors de remplir les conditions d’accès à la retraite anticipée », c’est-à-dire avoir commencé à travailler jeune, mais surtout avoir validé les trimestres nécessaires pour la retraite à taux plein. « Il y a donc un vrai décalage entre ceux qui devraient théoriquement en être les premiers bénéficiaires, et ceux qui le sont dans les faits », poursuit Carine Camby.

Un faible accompagnement qui accentue le non-recours
Mais réduire le problème à une simple histoire de critères serait trompeur. Il y a aussi, et surtout, un non-recours massif, selon la présidente de Qualiretraite : « Les assurés sont très peu au courant, de leur éligibilité. Il y a un grand manque d’information autour de la retraite anticipée », poursuit-elle. La faute, selon l’experte, à la faible communication des caisses de retraite, mais aussi de France Travail. Résultat, « certains assurés font des choix en fin de carrière qui les éloignent pourtant de la retraite anticipée, sans même le savoir », déplore Angélique Perroux.

Un manque d’accompagnement qui, selon elle, mène à de véritables absurdités. Prenons l’exemple d’un salarié en fin de carrière. Après des mois de recherche d’emploi adapté, il finit par rester au chômage. Une solution de repli qui, dans ce cas précis, lui ferme la porte de la retraite anticipée. « C’est un véritable gâchis, insiste Angélique Perroux. Si l’assuré avait été mieux informé sur les trimestres manquants, il aurait pu accepter un poste, même moins idéal, pour valider ses droits et partir en retraite anticipée. »

Capital, article par Charlotte Rousset, publié ce 19/08/2025